Comment Londres fait flamber les cours du pétrole

Publié le par mickael froment

Lorsque le prix du pétrole atteindra 200 dollars le baril, ce ne sera pas parce que les Chinois sont de plus en plus nombreux à posséder une voiture, mais à cause de la spéculation sur les prix, organisée depuis Londres. Lors d’une audition devant la commission sur le commerce du sénat américain, le 2 juin, des experts ont montré comment cette spéculation se fait sur des marchés de matières premières « offshore » supervisés par les autorités britanniques. Ce mécanisme, qui leur permet d’échapper à toutes les législations officielles, a été baptisé par les sénateurs de London loophole.

 

Michael Greenberger, professeur de droit à l’Université du Maryland et consultant du département de la Justice, et Mark Cooper, de la Fédération des consommateurs américains, ont expliqué aux sénateurs que 35 % des contrats à terme sur le pétrole brut West Texas Intermediate (WTI), prix de référence pour le pétrole échangé à New York, sont conclus sur un marché basé à Atlanta — l’Intercontinental Exchange (ICE) – par le biais de sa filiale londonienne, l’International Petroleum Exchange.

Fondé en 1980 par un groupe de spéculateurs sur l’énergie et les matières premières, ce dernier fusionna avec l’ICE en 2001. Juridiquement, il s’agit d’un marché offshore londonien, supervisé par la Financial Services Authority (FSA) de Grande-Bretagne, qui échappe donc à la juridiction de la CFTC, l’agence américaine de régulation des marchés des matières premières.

Selon le Pr Greenberger, environ 70 % de tous les contrats à terme pétroliers sont de nature spéculative et 30 % d’entre eux sont assurés par trois banques, Goldman Sachs, Morgan Stanley et JP Morgan Chase. Ce qui leur donne un contrôle indéniable sur le prix.

Pariant sur la chute de dollar, ces banques et fonds de placement achètent aussi de grosses quantités de produits pétroliers qu’ils ne mettent pas à la disposition des marchés, ce qui fait encore plus monter le prix de l’or noir. Il ne s’agit donc pas seulement de spéculation, mais aussi de manipulation du marché.

En outre, la FSA britannique accorde à ces banques et hedge funds le statut de traders « commerciaux » et non « spéculatifs » — comme s’il s’agissait de compagnies aériennes ou de distributeurs d’essence devant acheter des produits pétroliers à terme pour se prémunir. Ainsi, puisque plus d’un tiers des contrats à terme sur le brut West Texas se font sur des marchés britanniques offshore, les organismes de régulation américains n’en sont pas informés.

Ce rôle dominant des Britanniques a été confirmé par l’International Financial Services de Londres (autrefois baptisé « les Invisibles britanniques »), qui vient de publier un rapport sur les effets bénéfiques pour la City de la spéculation sur les matières premières. En 2007, lit-on, "la valeur nominale des contrats de produits dérivés sur les matières premières échangés de gré à gré sur les marchés londoniens a augmenté de 27 % pour atteindre 9000 milliards de dollars, grâce notamment à l’accroissement des contrats énergétiques. Entre 2002 et 2007, la valeur des exportations physiques mondiales de matières premières a gagné 17 %, tandis que les contrats de produits dérivés sur matières premières augmentaient de 213 % et l’encours nominal de ces mêmes produits grimpait d’environ 540 %."

Confirmant l’ampleur du mécanisme décrit ci-dessus, le rapport des Invisibles note que l’ICE "est la plus importante Bourse de produits énergétiques. Le chiffre d’affaires s’est accru en 2007 pour la dixième année consécutive, atteignant 138,5 millions de contrats."

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Jeudi 12 Juin 2008


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